2 October 1792: portraits of Marat, Robespierre, Danton, and Collot d’Herbois

Tu m’as demandé, papa, mon sentiment sur chacun des députés de Paris ; je satisfais à ton voeu.

Un de ceux dont la nomination atteste surtout la lâcheté et l’étrange turpitude des électeurs, un de ceux que l’opinion publique réprouve avec le plus de force, est, comme tu ne l’ignores pas, le forcené Marat. Quels que soient cependant les projets désastreux de cet homme sanguinaire, je crois qu’il y a encore plus de folie dans sa tête que de perversité dans son coeur. (…)

Après le nom de Marat l’opinion publique place, à regret sans doute, celui de Robespierre. Voilà quelle est la juste récompense des excès où l’ont entraîné son amour-propre et son opiniâtreté dans des opinions erronées. Voilà quel est le triste résultat des louanges sans nombre que nous lui avons prodiguées ; c’est nous mêmes qui gâtons les hommes publics.

Des vices domestiques, une conduite privée peu estimable, des dettes nombreuses, voilà ce qu’on reproche à Danton ; mais, en revanche, on admire en lui l’homme d’État, de grandes vertus politiques, une âme intrépide et forte, une éloquence irrésistible, une vaste perspicacité de vues; heureux si avec ces grands avantages, il ne se livrait trop souvent à des passions haineuses et jalouses ! (…)

Collot d’Herbois ne manque ni de talent ni d’énergie. A la vérité, cette énergie dégénère quelquefois en exaltation. C’est un de ces hommes faits pour un moment de crise et de Révolution, un déclamateur adroit, quoique plein de chaleur et de véhémence ; je doute de ses talents en fait de législation, mais non en fait d’insurrection. (…)

Edmond Géraud to his father, in Gaston Maugras, Journal d’un étudiant (Edmond Géraud) pendant la Révolution, 1789-1793, 3ème éd. (Paris, 1890), p. 559-560.

29 September 1792: Paris is dull

…samedi…

(…) Tout est ici fort tranquille, mais je désire que mes affaires se terminent bientôt. Je dîne tous les jours chez le restaurateur sans être restauré ; je me couche au lieu de souper ; et comme je ne m’occupe ici que d’une seule affaire, je trouve les soirées fort ennuyeuses. Paris a l’air d’une petite ville de province : quelques fiacres, quelques patrouilles, pas une figure de connaissance. (…)

Les mauvais patriotes répandent ici que les Prussiens sont à Ay et à Reims, pour arriver à Paris sous quinze jours, comme s’ils étoient assez imbéciles pour venir provoquer 700.000  hommes libres qui sauroient les pulvériser en 24 heures, ainsi que tous leurs rois et leurs généraux. On travaille ici aux fossés et au camp sans relâche. (…)

De M. de Kolly à Mme Renaud, sa cousine, à Boulogne-sur-mer, in Pierre de Vaissière, ed. Lettres d’« aristocrates ». La Révolution racontée par des correspondances privées. 1789-1794 (Paris, 1907), p. 565.

28 September 1789: the quality of bread & our sins

(…) Si la qualité du pain ne change pas avant la cérémonie des Cendres, les prêtres qui la feront pourront avec un morceau nous signer le front, en disant ces mémorables paroles : « Memento, homo, quia pulvis es ! [Remember, man, that thou art dust, and to dust thou shalt return] » Et à notre mort nous formerons un monceau de poussière d’autant plus grand que nous en aurons mangé pendant huit mois. Cette nourriture prise en esprit de pénitence nous méritera la faveur céleste. Sera-t-elle suffisante ? Nos péchés sont grands et nos maux immenses, occasionnés par le vertige qui règne dans nos tètes.

L’Hôtel de ville travaille toujours en grand, quoique dans un état de détresse. Peu lui importe de faire de la dépense, si Paris, qui gouverne toutes les provinces du royaume, vous oblige à partager les frais. C’est là sa vue. Sera-ce la vôtre ? Au reste, si une jeune fille a envoyé son dé d’or à l’Assemblée nationale, un soldat ses boucles d’argent, le duc de Charost y a fait une soumission de 100.000 francs. L’un va pour l’autre. (…)

Le comte de Seneffe à M. le Président de Saint-Luc, in Pierre de Vaissière, ed. Lettres d’« aristocrates ». La Révolution racontée par des correspondances privées. 1789-1794 (Paris, 1907), p. 23.

25 September 1789: taxes & patriotism

(…) Je ne crois pas que l’on crée, à proprement parler, un papier monnaie ; on se contentera d’ériger la Caisse d’escompte en Banque nationale, et les billets auront cours dans les provinces, comme ils ont cours à Paris. Ce n’est plus le centième denier que l’on donner, c’est le quart du revenu une fois payé ; on défalquera les dettes, les impôts, et l’on payera le quart du produit net. C’est une taxe très extraordinaire ; malheureusement la nécessité des affaires l’exige ; il faut 400 millions pour se trouver au pair de la recette de la dépense. On assure qu’ensuite le peuple sera délivré de quelques impôts… (…) Il est certain que si l’on peut réussir à mettre un juste équilibre entre la recette et la dépense, et à obtenir les 400 millions tant sur le quart du revenu que sur les dons patriotiques, que tous les citoyens s’empressent d’offrir à l’envi, la France sera plus heureuse qu’elle ne l’a jamais été. Mais si, chaque individu se concentrant dans un vil égoïsme, l’on refuse de venir au secours du gouvernement, tout est perdu. Le trésor royal est à sec ; il n’y a pas seulement assez d’argent pour payer les troupes. Tu sais que je destine mon traitement de député à acquitter l’impôt du quart de mon revenu. Je n’ai pas à présent 8.000 livres de rente ; aussi, en donnant cent louis, je payerai magnifiquement. (…)

Marquis de Ferrières to his wife, in Marquis de Ferrières, Correspondance inédite 1789, 1790, 1791, publiée et annotée par Henri Carré (Paris: Librairie Armand Colin, 1932), p. 155-156.

19 September 1789: political conversations & theatre

Saturday... — Employed this Morning in writing. Dine at Mons[ieu]r de Corny’s, in consequence of a Note from Madame [de Flahaut?], desiring the Engagement for Tomorrow may take Effect this Day. After Dinner converse with de Corny about a Contract for supplying Flour to Paris, and offer him a fourth Concern. He desires a Note of my Ideas, which I promise. The Conversation is as usual political. I go to the french Theatre and see the Chef-d’oeuvre of Racine, Athalie. (…) This has been a rainy disagreable Day.

A diary of the French revolution, by Gouverneur Morris, 1752-1816. Ed. by Beatrix Cary Davenport. Vol. 1 (Boston, 1939), p. 223-224.

18 September 1789: the hardships of a deputy’s life

…Versailles…

Plus le temps s’écoule et moins nous avançons en besogne, mon cher neveu. Depuis deux mois que nous nous occupons de la constitution du royaume, nous n’avons fait qu’une déclaration des droits de l’homme, qui paroit même assés inutile, et rédigé quelqu’articles de la constitution, parce que les assemblés sont très orageuses et qu’il y a des gens qui cherchent à tout retarder, et peut-être brouiller les esprits et à perdre l’État.  On a décidé que l’Assemblée nationalle (sic)  sera permanente, c’est-à-dire que les députés resteront en caractère et toujours prests (sic) à s’assembler jusqu’à ce qu’ils fussent remplacés par d’autres… (…)

Nos travaux, auxquels on ne voit point de fin et qui seront insuportables (sic) l’hiver, redoublent à tout moment : tous les jours, deux séances, souvent même le dimanche, depuis 9 heures du matin jusqu’à trois heures et demie, et depuis les six heures jusqu’à passé les onze heures. Cependant, malgré l’ennuis (sic) que me donne le peu d’accord des membres, je n’ai pas encore été incommodé et ne manque point de séance. Je vous quelques fois, ici et quand je vais à Paris, Rolland, qui vous fait des compliments, et je mange toujour (sic) avec lui. (…)

L’abbé de Rousselot à son neveu Joseph Rousselot, dans Correspondance de l’abbé Rousselot, constituant. 1789-1795, présentation par Anne-Marie Malingrey (Paris, 1992), p. 43-44.

16 September 1793: ‘monster of the civil war,’ arrests, & enlistment

…lundi…

(…) Toutes nos affaires vont à merveille. On n’entend plus que crier victoire de-ci, victoire de-là, dans la vérité, le ciel bénit nos armes et, comme tu l’auras vu, nous triomphons partout. Aujourd’hui encore, grande victoire dans la Vendée ; c’est dommage que tout cela coûte beaucoup de sang. (…) On peut crier avec allégresse : “Vive la République, une et indivisible”, pour moi, tant que le monstre de la guerre civile ne sera pas complètement étouffé dans notre propre sein, j’aurai toujours la larme à l’oeil, quoique le sourire sur les lèvres, en lisant et en disant nos prospérités. (…)

Paris est fort tranquille. Nous avons du pain et les arrestations des gens suspects se font légalement et sans aucun désordre. La levée va son train. J’ai vu tout à l’heure, sous mes balcons, passer plus de trois cent beaux jeunes gens que je crois de notre section. (…)

Rosalie Jullien à Marc-Antoine Jullien fils au Havre, in « Les affaires d’État sont mes affaires de cœur »: lettres de Rosalie Jullien, une femme dans la Révolution, 1775-1810, présentées par Annie Duprat (Paris: Belin, 2016), p. 258.

15 September 1789: ruin of the kingdom, shared coach, & aristocratic stoicism

(…) Je ne puis me dissimuler la ruine entière de ce pauvre royaume. Mon unique consolation de n’y avoir pas contribué. (…)

Cependant ne sois pas alarmée de cette lettre. M. de La Fayette, et les représentants de la Commune de Paris, nous ont assuré qu’ils répondaient de la tranquillité de Paris. On a arrêté sept à huit personnes ; l’ordre est rétabli. Malgré ce repos momentané, continue à transporter tes meilleurs meubles à Poitiers ; il est presque impossible que nos châteaux ne soient pas pillés cet hiver. (…)

Quant aux rentes, il faut peu y compter cette année. On recevra ceux qui voudront payer ; pour les autres, on attendra des circonstances plus favorables. (…)

Mon carrosse de remise me coûte 120 livres par mois ; il me mène et me ramène de l’Assemblée, quelquefois, le soir, de la comédie ; nous sommes trois, et on est obligé de se concerter. À présent que les jours sont longs, c’est à peu près égal, mais, le mois d’octobre arrivé, je ne pourrai sortir. Cette ville est, de toutes les villes, celle où il pleut le plus. (…)

Voilà bien des embarras, des ennuis, ma chère amie, mais songe que le comte d’Artois est forcé de vendre tous ses chevaux, sa vaisselle, qu’il renvoie sa maison, que la comtesse d’Artois part pour Turin. Si le frère du Roi est traité ainsi, nous ne devons pas nous plaindre de nos petits malheurs. (…)

Marquis de Ferrières to his wife, in Marquis de Ferrières, Correspondance inédite 1789, 1790, 1791, publiée et annotée par Henri Carré (Paris: Librairie Armand Colin, 1932),  p. 146-149.

13 September 1791: the King accepts the constitution, but why?

…Mon cher beau-frère, …ce matin, le Roy a envoyé à l’Assemblée nationale M. le garde des sceaux avec une lettre portant qu’il acceptoit la constitution, mais qu’il espéroit que l’on feroit grâce et que l’on donneroit l’élargissement à toutes les personnes qui avoient été arrêtées avec lui, même à celles qui étoient en prison pour prétendue contre-révolution. M. de la Fayette s’est levé et a fait la motion. Chacun a applaudi, et on l’a décrétée. (…)

Toutes les rues de Paris sont illuminées. Le Roy a annoncé qu’il iroit demain à l’Assemblée pour jurer de maintenir la constitution. Les uns crient après lui ; les autres disent qu’il ne pouvoit faire autrement sans exposer sa vie, celle de la Reine et de sa famille. (…)

L’on a encore décrété, ce matin, qu’il n’y auroit que le Roy et le Dauphin qui porteroient le cordon bleu. Voilà encore une platitude de plus à ajouter aux précédentes. Mais ce décret n’est que réglementaire, et les nouveaux députés pourront y déroger. (…)

M. Dutailly à M. Faivre, in: Pierre de Vaissière, Lettres d’« aristocrates ». La Révolution racontée par des correspondances privées. 1789-1794 (Paris, 1907), p. 302-303.

12 September 1792: слухи о моей смерти сильно преувеличены and other proofs

Les malheurs arrivés à Paris ont pu faire croire et dire, Monsieur, que j’avais été du nombre des victimes. L’attachement et la malignité ont pu contribuer à accréditer cette opinion : heureusement, j’ai été jusqu’à ce jour exempt de tout danger, et j’espère être aussi heureux à l’avenir. Je vous prie donc, et je compte pour cela sur vos bontés ordinaires, de vouloir bien détruire toutes les impressions : qu’on auroit pu répandre. La santé continue d’être bonne, et je me croirais fait pour le malheur, à la constance avec laquelle je scais le supporter. Je fais des sincères voeux pour que vous ne soyez pas mis à de pareilles épreuves : vous avez sûrement en vous tout ce qu’il faut pour en triompher, mais encore tâchez de ne pas en avoir besoin. (…)

L’abbé de Pradt à Hugues Farradesche, in Revue de la Haute-Auvergne, t. XXXIV (avril-juin 1954), p. 88.