7 December 1789: the National Assembly discusses the conditions of eligibility (again)

Le premier article de municipalité qui a été décrété porte que, dans chaque commune, il y aura un registre sur lequel seront inscrits les noms de tous les citoyens actifs, lesquels au surplus seront tenus de prêter entre les mains du chef de la municipalité le serment de défendre la constitution, etc. Le comité a ensuite proposé un article en ces termes : “Les citoyens français qui auront remis les conditions de l’inscription civique et du serment patriotique seront dispensés des autres conditions d’éligibilité pour l’Assemblée nationale, si, au premier scrutin, ils ont réuni les trois quarts des suffrages des électeurs”.

Cet article a été vivement attaqué et vivement défendu : d’un côté, on reprochait au comité de reproduire sous une nouvelle forme ce qui avait déjà été proscrit cinq ou six fois sous des formes diverses. On lui reprochait de vouloir éluder la contribution de 34 livres, l’âge et le domicile. On ne voyait dans sa marche que l’envie de favoriser ou les intriguant, ou les gens riches, ou les habitants de Paris : plusieurs personnes le lui reproché. Le comité d’un autre côté, et ses partisans ne voyaient dans les adversaires de cet article que des ennemis de l’égalité et de la liberté des élections. M. Roederer est celui qui l’a défendu avec le plus de force : son discours, rempli d’exagération et de phrases emportées, n’aurait pas une autre tournure s’il eût voulu proposer la loi agraire, et cependant il a été applaudi, parce qu’on est toujours sûr de l’être quand on passe les bornes e qu’on exagère. On a été aux voix par assis et levé : l’épreuve a été évidemment douteuse. L’appel nominal a été fait : il en résulte que 453 voix ont rejeté l’article. 443 l’ont adopté.

Ainsi cet article n’est pas admis. Il est difficile de trouver étrange que ceux qui ont voté pour les articles dont celui-ci est une exception aient refusé de l’adopter. Cependant il me semble qu’il est sujet à moins d’inconvénients que ceux qui ont été prescrits. Peut-être même aurait-on pu en faire un article utile, en exigeant la totalité des voix ; mais il ne faut pas dissimuler que l’espèce de finesse qu’a apportée le comité à reproduire si souvent et sous tant de formes une disposition si souvent rejetée a irrité les esprits et ne les a pas préparés à un examen bien impartial. (…)

Journal d’Adrien Duquesnoy, député du Tiers état de Bar-le-Duc, sur l’Assemblée constituante : 3 mai 1789-3 avril 1790, t. 2 (Paris, 1894), p. 141-142.

Image : Pierre-Louis Roederer